Ce pourrait être une définition du Scrabble. Prenant acte du succès du GDPR (en français RGPD), mot-clé recherché environ 200 000 fois par mois par les internautes français sur les moteurs de recherche, les autorités récidivent avec le CSRD et le SFDR, recherchés respectivement 1 500 fois et 150 fois par mois par les mêmes laboureurs du Web. Prononcer quatre consonnes à la suite semble constituer le Graal du marketing juridique, car en 2021 non seulement les juristes, mais les régulateurs eux-mêmes s'adonnent aux joies de la promotion en ligne. Quel avenir attend donc ces nouveaux référentiels relatifs à la publication de données extra-financières, l'un pour l'ensemble des entreprises (CSRD ou Corporate Sustainability Reporting Directive), l'autre pour les entreprises à vocation financière (SFDR ou Sustainable Finance Disclosure Régulation) ?
Le reporting extra-financier est paradoxalement une affaire de valorisation. Pour prouver leur valeur, les entreprises doivent en effet prouver leur impact sur leur écosystème, donc le tracer, le mesurer et en rendre compte. L'idée de ces règlements est de disposer d'un modèle commun permettant de se comparer à l'autre. A la différence du RGPD, qui est avant tout un garde-fou même s'il peut devenir avec le temps un outil de professionnalisation de la gestion et de la valorisation des données, CSRD et SFDR sont d'abord et résolument des moyens de structurer et de valoriser un patrimoine d'indicateurs. Gageons que leur succès dépendra de leur capacité à trier les vrais impacts des faux, bref, de trancher de manière crédible entre geenwashing et une véritable préservation accrue de l'écosystème, ce qui n'est pas une mince affaire tant les impacts peuvent être interdépendants, s'influençant mutuellement et ne pouvant souvent se lire qu'à l'aune de raisonnements complexes.
Dans son livre intitulé Futur (Flammarion), Antoine Bueno, qui entre autres rôles est conseiller au Sénat chargé du suivi de la commission du Développement durable et de la délégation à la Prospective, fait une synthèse éclairante des boucles infernales existant entre biocarburants, faim dans le monde et réchauffement climatique qui rendent nombre d'idées reçues ... irrecevables et nous imposent une plongée dans des concepts scientifiques variés pour nous faire une opinion valable.
Heureusement, il existe des parades qui permettent à tout un chacun de s'y retrouver. Par exemple, l'initiative de la fresque du climat, véritable laboratoire ouvert à tous permettant grosso-modo d'arrêter de dire des bêtises et de comprendre les différents degrés de certitude partagés par les scientifiques en matière de préservation de l'environnement, est un des projets vertueux allant dans le sens d'une maturation des concepts et d'une plus grande mesurabilité des impacts.
Il ne reste plus aux autorités et aux citoyens qu'à faire leurs ces quêtes de sens et à contribuer à régler les modèles des CSRD et autres SFDR aux petits oignons, comme ils ont su le faire avec le RGPD.
C. Auriach
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